ADEQUATIONS – François Roques témoigne…

Mots-clés : Auteurs de violence • banalisation de la violence

Témoignage de François Roques

Lundi 12 septembre 2016

François Roques est directeur de l’Association pour le contrôle judiciaire en Essonne (ACJE), spécialisée dans la prise en charge des auteurs de violences conjugales placés sous main de la Justice. Il décrit ici en quoi consiste cette prise en charge tout en questionnant plus largement la tolérance de la société à l’égard des violences sexistes.

Les violences conjugales sont parfois le fruit du sexisme ordinaire

«  Alors que je le recevais dans le dépôt du tribunal après 48 heures de garde à vue, un monsieur d’une quarantaine d’années m’a dit : “Vous en connaissez, vous, franchement un homme qui ne frappe pas sa femme ?“. Pour qu’il soit persuadé d’une telle chose, c’est bien qu’un faisceau d’éléments et de personnes l’ont amené à construire cette conviction. Les violences conjugales sont parfois le fruit du sexisme ordinaire.

Travailler avec les hommes violents exige de poser comme postulat de départ que rien ne justifie la violence. Quelle que soit l’attitude réelle ou supposée de la victime. Rejeter la responsabilité sur la femme est un grand classique : “Elle a appuyé là où ça fait mal, elle s’est jetée sur moi, elle marque vite… “.

Responsabiliser ces hommes passe aussi par l’identification de ce qu’est la violence. Pour certains, la violence c’est un coup de poing. Les gifles, les injures, les humiliations quotidiennes n’en sont pas… Identification, responsabilisation : tout ça doit être acquis pour qu’ils s’engagent dans une réflexion et apprennent à construire de nouvelles modalités relationnelles. Parfois l’approche “psycho-éducative” n’est pas suffisante. Certains hommes n’ont pas les ressources intellectuelles pour se remettre en question. Avec eux, il faut alors entrer dans une logique basiquement comportementaliste : “C’est la loi, c’est interdit. Si tu le refais, c’est la prison“.

Certes, le seuil de tolérance vis à vis des violences conjugales s’abaisse. Avant 2005 et la création de réponses pénales adaptées, la plupart du temps, les magistrats n’engageaient des poursuites qu’en cas d’extrêmes violences ou de féminicide. Mais on mesure l’admissibilité de la violence conjugale à la difficulté de mobiliser les hommes pour la dénoncer.

Avec l’ACJE, j’ai tenté, via la création d’un collectif, d’impulser un mouvement d’hommes qui déclareraient publiquement leur refus de la violence. Ce fut un échec. Tout le monde me disait “C’est très bien“, mais dans le fond, tout le monde s’en foutait. On voit bien à quel point dans un groupe d’hommes les blagues sexistes peuvent être socialement intégrantes. On ne change que parce qu’on y a un intérêt. Tant que les comportements sexistes et la violence ne seront pas socialement totalement excluants, on n’en viendra pas à bout.  »